Chronique d’une saison d’inventaires
Tout au long de la belle saison, nos chargés de mission "inventaires" ont sillonné le territoire du Parc national pour dresser un tableau le plus précis possible de la faune, de la flore et des habitats qu'on y trouve. Dans les lignes qui suivent, nous vous proposons un résumé de leurs trouvailles et revenons sur l'intérêt de la démarche.
Munie de matériel spécialisé et de guides d’identification, l’équipe de naturalistes du Parc national a parcouru le territoire à de nombreuses reprises d’avril à octobre, en se focalisant sur les zones naturelles les plus méconnues. L’objectif premier étant de dresser un panorama de la biodiversité présente en ciblant les espèces et habitats patrimoniaux, rares, sensibles et/ou bénéficiant d’un statut de protection particulier.
Résultats des sorties de terrain ? Sur environ 350 jours d’inventaires, près de 41 000 données ont pu être récoltées et encodées. Un travail colossal qui a permis de détecter un total de 1 758 espèces, dont plus de 300 sont considérés comme singulières à l’échelle de la Belgique. Ces données, une fois analysées en profondeur, permettront de dégager des tendances, d’identifier les espèces et les habitats les plus sensibles ou en déclin et de cibler les zones nécessitant des actions de conservation prioritaires.
Un bref aperçu des résultats
- Ornithologie (oiseaux)
Le recensement exhaustif dans plusieurs carrés kilométriques (voir la carte ci-dessous) a permis de repérer une population notable de pouillots siffleurs, espèce indicatrice de vieilles forêts feuillues de l’Ardenne.
En complément, l’inventaire des cours d’eau a dévoilé plusieurs espèces caractéristiques de ces milieux, telles que la bergeronnette des ruisseaux, le martin-pêcheur et le cincle plongeur. Le harle bièvre, hivernant sur la Semois, et le balbuzard pêcheur, qui y est régulièrement présent en période de migration, ont également été aperçus.
Parmi les autres relevés marquants, citons trois mâles chanteurs de Râle des genêts ainsi que l’oie de la toundra, le tadorne de Belon, la cigogne blanche, le héron pourpré et le guêpier d’Europe.
- Entomologie (insectes)
Avec les conditions météorologiques très pluvieuses de cette année, les observations de papillons ont été limitées. Quelques espèces rares ont toutefois été aperçues, dont la mélitée noirâtre, le petit collier argenté et l’hespérie échiquier.
La fin de saison s’est montrée plus favorable pour les libellules et les criquets/sauterelles. Cela a permis de découvrir de nouvelles stations pour certaines espèces remarquables (criquet vert échine, ruspolie à tête de cône…). De nouveaux sites ont également été repérés pour le criquet des genévriers, la decticelle bicolore et le barbitiste des bois, alors que ces orthoptères n’avaient que très peu été observés par le passé. Côté libellules, plusieurs espèces patrimoniales, telles que le cordulégastre annelé – l’une des plus grandes et impressionnantes de la Vallée de la Semois -, ont pu être recensées.
Mention spéciale aussi pour les rarissimes cordulégastre bidenté et leste verdoyant !
- Habitats et botanique
Pour ce type d’inventaires, l’identification de milieux humides de grand intérêt biologique, dont les bas-marais acides et les nardaies (pelouse rase sur sol acide), est à souligner. Les conditions du sol et d’humidité de ces endroits entraînent la présence d’un cortège floristique hors du commun. C’est d’ailleurs dans ces zones et dans des boulaies tourbeuses qu’a été identifiée la scutellaire naine, vue pour la dernière fois il y a 20 ans de cela.
En forêt, l’équipe a pu identifier des érablières de ravins et de pente abritant une biodiversité propre aux caractéristiques du milieu (en pente, ombragé et humide). Des espèces végétales peu communes, telles que la renoncule à feuilles de platane ou l’anémone fausse-renoncule, ainsi qu’un grand nombre de fougères y ont ainsi été recensées.
L’amélioration des connaissances sur le patrimoine naturel de la Vallée de la Semois, sa préservation et sa gestion durable figurent dans les priorités du Parc national. Parmi les actions menées en la matière, les inventaires faune, flore et habitats constituent des leviers importants pour identifier de manière précise le potentiel exceptionnel, mais aussi la fragilité des écosystèmes de la Vallée.